Un cadre de Google affirme que seul l’écosystème Google peut faire fonctionner Chrome correctement

Dans le feuilleton antitrust qui oppose Google aux autorités américaines, un nouveau chapitre technique vient d’être écrit. La directrice générale de Chrome, Parisa Tabriz, a livré un témoignage qui pourrait bien influencer le destin du navigateur le plus utilisé au monde. Entre intégration technique profonde et intérêts concurrentiels, l’avenir de Chrome se joue désormais autant dans les lignes de code que dans les prétoires.

La défense technique de Google : Chrome indissociable de son écosystème

Le témoignage de Parisa Tabriz devant le tribunal fédéral a révélé l’ampleur des imbrications techniques entre Chrome et l’infrastructure Google. « Dix-sept ans de collaboration intensive entre nos équipes et le reste de l’entreprise » : c’est ainsi que la dirigeante décrit cette symbiose. Un argument qui n’est pas sans rappeler certaines défenses antitrust du passé, mais avec une dimension technique inédite. (Source : https://news.bloomberglaw.com/us-law-week/only-google-can-run-chrome-companys-browser-chief-tells-judge)

Les avocats de Google ont martelé un message clé : séparer Chrome reviendrait à lui retirer ce qui fait son essence. Les protections de sécurité avancées, les mises à jour automatiques, même les simples suggestions de recherche – tout cela repose sur des systèmes Google profondément intégrés. « Imaginez un arbre dont vous couperiez les racines tout en espérant qu’il continue à porter des fruits », a comparé un conseil technique lors de l’audience.

Derrière ces arguments se cache une réalité plus prosaïque : chaque jour, des centaines d’ingénieurs Google travaillent sur des fonctionnalités qui traversent les frontières entre Chrome, Android, Search et les autres services. Une complexité qui, selon l’entreprise, rendrait toute scission à la fois coûteuse et risquée pour les utilisateurs.

L’épineuse question des mesures correctives

Le juge Amit Mehta se trouve face à un dilemme technique sans précédent. Après avoir statué en 2024 sur le caractère monopolistique des pratiques de Google dans la recherche, il doit maintenant envisager des remèdes concrets. Et le département de la Justice ne fait pas dans la demi-mesure : la cession forcée de Chrome est bel et bien sur la table.

Les estimations financières donnent le tournis. Gabriel Weinberg, PDG de DuckDuckGo, n’a pas hésité à évoquer le chiffre de 50 milliards de dollars lors de son témoignage. Une évaluation qui explique pourquoi l’industrie tech suit ce dossier avec une attention particulière. Le calendrier judiciaire, qui prévoit une décision finale pour août 2025, laisse le temps aux spéculations et aux préparatifs. (source : https://www.bloomberg.com/news/articles/2025-04-23/google-chrome-worth-upwards-of-50-billion-browser-rival-says)

Mais au-delà des considérations financières, c’est tout l’équilibre du web qui pourrait être redistribué. Certains observateurs évoquent déjà le spectre d’un « Chrome light », une version édulcorée du navigateur qui perdrait ses avantages compétitifs une fois séparée de Google. D’autres y voient au contraire une opportunité historique de réinventer la navigation internet.

Les prétendants au trône se positionnent

Malgré les mises en garde de Google, plusieurs poids lourds technologiques ont fait savoir qu’ils sauteraient sur l’occasion si Chrome venait à être mis en vente. La déclaration sans ambages de Nick Turley, responsable produit chez OpenAI, a fait sensation : « Oui, nous achèterions Chrome ». Une position que Yahoo semble partager, selon des éléments apparus au cours des audiences. (Source : https://finance.yahoo.com/news/openai-and-yahoo-both-want-chrome-if-google-has-to-sell-164900457.html)

Cette effervescence autour d’un éventuel rachat pose une question fondamentale : ces entreprises sous-estiment-elles les défis techniques, ou Google exagère-t-il les difficultés pour décourager toute scission ? Les avis d’experts divergent sur ce point. Ce qui est certain, c’est que le projet Chromium la base open source de Chrome ajoute une couche supplémentaire de complexité. Utilisé par Microsoft Edge et d’autres navigateurs, il crée des interdépendances qui dépassent le seul écosystème Google.

Les prochaines semaines s’annoncent déterminantes. Alors que le procès doit se conclure en mai, les plaidoiries finales pourraient bien réserver des surprises. Une chose est sûre : l’industrie tech retient son souffle devant ce qui pourrait devenir le plus important remaniement du paysage numérique depuis des décennies.