Le tiret cadratin : l’empreinte révélatrice de ChatGPT et les stratégies d’évitement

Dans le paysage numérique actuel, la frontière entre contenu humain et production artificielle devient de plus en plus floue. Parmi les nombreux indices trahissant l’intervention d’une IA, un détail typographique insignifiant en apparence s’est imposé comme marqueur incontestable : le fameux tiret cadratin. Ce signe discret, souvent négligé par les rédacteurs humains, s’est transformé en véritable signature de ChatGPT.

Le phénomène du tiret cadratin : un marqueur typographique révélateur

L’émergence d’un « tic de langage » artificiel

Qui aurait cru qu’un simple signe de ponctuation deviendrait le talon d’Achille des textes générés par IA ? Le tiret cadratin — ce long trait horizontal — s’est imposé comme la signature involontaire de ChatGPT. Avant 2024, combien de francophones l’utilisaient réellement dans leurs écrits du quotidien ? La réponse est simple : très peu. Pourtant, aujourd’hui, il pullule dans les productions artificielles au point que certains l’appellent désormais le « tiret cadratin ».

D’où vient cette obsession typographique ? Probablement de l’entraînement intensif de ChatGPT sur des corpus littéraires et académiques où ce signe apparaît fréquemment. L’IA l’a adopté comme une évidence, l’intégrant systématiquement là où un humain aurait opté pour des virgules ou des parenthèses. Le plus cocasse ? Même lorsqu’on lui demande expressément de l’éviter, ChatGPT peine à s’en défaire, comme un enfant qui ne pourrait s’empêcher de terminer ses phrases par « hein ».

Caractéristiques techniques et usage

Techniquement, le cadratin se distingue par sa longueur équivalente à un « M » majuscule dans nombre de polices. Son insertion nécessite des combinaisons de touches spécifiques (Alt+0151 sur PC, Option+tiret sur Mac) que peu de gens maîtrisent. Cette complexité explique pourquoi il restait marginal avant l’ère des IA génératives.

Traditionnellement, le français l’emploie pour les dialogues, les incises ou les énumérations. Mais ChatGPT, lui, en fait un usage pour le moins… libéral. L’IA le plaque un peu partout, comme ces touristes qui abusent du « de rien » après trois jours à Paris. Résultat ? Des textes techniquement corrects mais typographiquement suspects.

Autres marqueurs stylistiques de ChatGPT

Patterns linguistiques et répétitions caractéristiques

Outre son addiction au cadratin, ChatGPT présente d’autres tics de langage tout aussi révélateurs. Certains adjectifs reviennent avec une régularité déconcertante : « crucial », « fondamental », « indispensable »… comme un orateur qui ponctuerait chaque phrase d’un « n’est-ce pas » énervant.

L’hyperbole est une autre marque de fabrique. Tout est « révolutionnaire », « sans précédent » ou « extraordinaire ». À ce rythme, on se demande comment l’humanité a pu survivre avant l’avènement de chaque produit ou concept décrit. Cette emphase permanente finit par sonner faux, comme ces présentateurs télé trop enthousiastes.

Structures argumentatives et organisation du contenu

La structure des textes trahit tout autant leur origine. ChatGPT adore les plans rigides : introduction béton, développement en trois points, conclusion qui boucle la boucle. C’est impeccable sur le papier, mais terriblement prévisible. Comme ces films où l’on devine la fin après les premières minutes.

Autre obsession, les bullets points. L’IA aligne les idées le plus souvent par trois comme des petits soldats : « rapide, efficace et performant ». Technique rhétorique classique, certes, mais utilisée avec une systématique qui frise la parodie. Après quelques paragraphes, le lecteur commence à compter mentalement les éléments… et à soupçonner l’artifice.

Absence de personnalité et neutralité excessive

Le ton constitue peut-être le marqueur le plus flagrant. ChatGPT écrit comme un diplomate onusien : toujours poli, jamais tranché, définitivement aseptisé. Où sont les anecdotes perso, les coups de gueule, les hésitations naturelles ? Cette neutralité absolue finit par devenir suspecte.

Et puis il y a cette perfection linguistique… trop belle pour être vraie. Aucune faute d’orthographe, aucune coquille, aucune approximation. Comme ces visages retouchés qui, paradoxalement, paraissent moins vrais que des traits marqués par l’âge et l’expérience.

Stratégies d’humanisation et d’évitement de la détection

Personnalisation du style d’écriture

Alors, comment donner une apparence humaine à ces textes trop parfaits ? Première piste : apprendre à ChatGPT votre style personnel. Fournissez-lui des échantillons de votre écriture au moins 1000 mots sur divers sujets. Nommez ce style (« style Jean-Marc », « ton magazine ») pour pouvoir y faire référence ensuite.

Cette méthode, appelée EchoWriting, permet à l’IA de calquer vos particularités : longueur de phrases préférées, tournures récurrentes, niveau de formalisme. C’est un peu comme apprendre à un imitateur vos tics de langage avant un spectacle.

Révision et édition humaine

Rien ne remplace une bonne vieille relecture humaine. Ciblez d’abord les cadratins – remplacez-les par des virgules ou des parenthèses. Chassez les adjectifs hyperboliques comme on éliminerait des mauvaises herbes. Variez les structures de phrases : certaines longues, d’autres brèves. Comme un rythme respiratoire.

Injectez du vécu, une anecdote personnelle ici, une opinion tranchée là. Imaginez que vous racontez cela à un ami autour d’un verre plutôt qu’à un algorithme. Ce sont ces imperfections calculées qui donneront l’illusion de l’authenticité.

Techniques de prompting avancées

La qualité des instructions fait toute la différence. Au lieu de demander un texte complet d’un coup, décomposez en étapes : « D’abord, liste les idées principales. Ensuite, développe chacune en deux paragraphes maximum. » Montrez des exemples concrets de ce que vous voulez… et surtout de ce que vous ne voulez pas. (Vous pouvez aussi par exemple dire : « N’utilise jamais les tirets longs (—), les tirets courts (–) et les traits d’union (-). Utilisez plutôt la virgule. ») (Source : https://x.com/asyncr0ne/status/1929856990387327047)

Essayez des formulations comme : « Écris comme si tu m’expliquais cela dans un café, pas dans un amphithéâtre. » Cette approche conversationnelle casse la rigidité typique des productions IA. C’est l’art de guider l’IA sans lui donner l’impression d’être guidée.

Implications et défis de la détection d’IA

Évolution des capacités de détection

La course aux armements entre générateurs et détecteurs d’IA s’intensifie. Ironiquement, OpenAI a abandonné son propre outil de détection, reconnaissant ses limites. Les détecteurs actuels nécessitent souvent 1000 mots pour être fiables… et se trompent encore régulièrement.

Avec l’arrivée de GPT-4o et autres modèles évolués, les marqueurs actuels pourraient devenir obsolètes. Comme un jeu sans fin où les règles changeraient à chaque manche. Une seule certitude : la perfection de détection reste un mirage.

Enjeux éthiques et professionnels

Les implications dépassent largement le cadre technique. Dans le journalisme, l’éducation ou la recherche, la transparence sur l’usage d’IA devient cruciale. Où placer la frontière entre assistance technologique et tromperie ? La question agite les cercles professionnels.

Plus ironique encore : certains rédacteurs humains utilisant naturellement le cadratin se retrouvent désormais suspectés d’employer ChatGPT. Comme si l’IA, par son existence même, redéfinissait les normes de l’écriture légitime. Un paradoxe qui donnerait presque le vertige.

Pour finir, le tiret cadratin, symbole minuscule mais révélateur, illustre parfaitement les défis posés par l’écriture IA. Ce signe discret est devenu le stigmate involontaire d’une révolution technologique qui brouille les frontières entre humain et artificiel.

Les stratégies d’humanisation existent, mais demandent du temps et une attention minutieuse. Peut-être la vraie question n’est-elle pas « comment faire passer un texte IA pour humain », mais « pourquoi le faire ». Dans un monde où l’authenticité redevient une valeur rare, la voix humaine avec ses imperfections et ses aspérités pourrait bien retrouver toute sa valeur.

Une certitude demeure, tant que les IA continueront à abuser des cadratins et des superlatifs, les lecteurs attentifs auront toujours une longueur d’avance. À moins que… non, décidément, certaines tournures restent décidément trop humaines pour être imitées parfaitement. Pour l’instant.